02/09/11

Décision historique en matière de violence domestique féminicide


États-Unis. Une victime devenue militante se penche sur une décision historique en matière de violence domestique http://www.amnesty.org/fr/news-and-updates/usa-victim-turned-activist-reflects-landmark-domestic-violence-decision-2011-09-02
Depuis 12 ans, Jessica Lenahan se bat pour connaître la vérité sur cette terrible nuit de l'été 1999 qui s'est terminée par la découverte des corps de ses trois fillettes à l'arrière d'un pick-up.

Les batailles juridiques portées jusque devant la Cour suprême des États-Unis n'ont pas établi pourquoi les policiers n'avaient pas été légalement tenus de protéger ses filles, alors qu'ils savaient qu'elles risquaient d'être victimes de violences domestiques à cette époque.

Toutefois, la récente conclusion d'un organisme international de défense des droits humains pourrait encourager des réformes importantes visant à améliorer la protection des victimes de violence familiale aux États-Unis.

« Depuis trop longtemps, les femmes qui sont victimes de violence au sein de leur foyer supportent la charge de la preuve, a indiqué Jessica Lenahan.

« Je suis quelque peu amère, mais je veux croire que cette décision permettra d'aider d'autres victimes. »

L'absence de protection

Les autorités locales de Castle Rock, dans le Colorado, savaient que Jessica Lenahan, à l'époque Jessica Gonzales, et ses filles Leslie, Katheryn et Rebecca – âgées de 7, 8 et 10 ans – subissaient depuis longtemps des violences domestiques infligées par son ex-mari, Simon Gonzales.

Cependant, malgré une mesure de restriction prise par un tribunal à l'encontre de Simon Gonzales, la police n'a pas répondu aux multiples appels à l'aide de Jessica : elle a appelé les policiers à sept reprises et s'est même rendue au poste, lorsque son ex-époux est venu chez elle de manière inopinée le 22 juin 1999 et a emmené leurs filles dans son pick-up.

Le lendemain matin à l'aube, Simon Gonzales est passé devant le poste de Castle Rock et a tiré des coups de feu par la fenêtre de son véhicule, déclenchant une fusillade avec les policiers au cours de laquelle il a été mortellement blessé. Après la fusillade, on a retrouvé les corps de Leslie, Katheryn et Rebecca à l'arrière du pick-up.

Depuis lors, les autorités américaines, depuis celles de Castle Rock jusqu'à la Cour suprême des États-Unis, ont à maintes reprises empêché Jessica Lenahan d'obtenir des réponses concernant les circonstances du décès de ses filles. Elle n'a jamais reçu la moindre réparation pour le préjudice subi.

« Je veux qu'ils me disent quelles balles ont tué mes filles, je veux savoir quand et où elles sont mortes », a récemment déclaré Jessica Lenahan à Amnesty International.

Alors qu'elle pressent qu'elle n'obtiendra sans doute jamais toutes les réponses à ces questions, la décision rendue il y a peu par la Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) lui donne l'espoir que des changements positifs bénéficient à d'autres personnes exposées aux violences domestiques.

La quête de justice

Lorsque la Cour suprême des États-Unis a statué en juin 2005 qu'aux termes de la Constitution il n'incombait pas à la police de faire appliquer la mesure de restriction visant son mari, dont elle était séparée, Jessica Lenahan s'est sentie anéantie.

« Tout ce que j'avais appris étant enfant sur le bien et le mal, et sur le fait que le gouvernement était là pour me protéger, s'est avéré faux. J'ai reçu un tel choc – j'ai mis près d'une année à m'en relever », a-t-elle indiqué.

Ceux qui ont porté son dossier se sont sentis frustrés une fois épuisées les voies de recours légales aux États-Unis, a expliqué à Amnesty International Caroline Bettinger-López, membre de l'équipe d'avocats qui défend Jessica Lenahan.

Cependant, grâce au soutien moral de sa mère Ernestine Rivera, l'année suivante, Jessica Lenahan a repris son combat, aidée par ses avocats, et a porté plainte auprès de la CIDH.

La Commission, dont le siège se trouve à Washington D.C., promeut et défend les droits humains dans les Amériques. Lorsque les recours juridiques sont épuisés au niveau national, les victimes d'atteintes aux droits humains peuvent soumettre leur dossier à la Commission, qui recommande aux gouvernements de prendre des mesures afin de remédier à la situation.

En août 2011, la CIDH a publié ses conclusions sur cette affaire, statuant que les autorités américaines « n'avaient pas donné la suite requise aux plaintes déposées par Jessica Lenahan avant la mort de ses filles. [Elles] se sont également abstenues d'enquêter sur les circonstances de leur mort, lorsque leurs cadavres ont été découverts. »

La Commission recommande aux autorités américaines d'examiner leurs manquements envers les victimes de violence domestique et de promulguer des réformes de fond, au niveau local, étatique et fédéral, afin de veiller à ce que les victimes soient efficacement protégées contre ceux qui leur infligent des violences.

Cette décision est saluée comme une victoire pour les victimes de violences au sein de la famille.

« Comme l'illustrent cette affaire et la décision rendue, aucune excuse ne saurait justifier de ne pas faire appliquer rapidement et efficacement les mesures de protection, notamment en cas de demandes répétées auprès des services de police, a indiqué Widney Brown, directrice générale chargée du droit international et de la stratégie politique à Amnesty International.

« Les autorités nous disent qu'il leur est difficile de prévenir les violences. Dans ce cas précis, elles auraient pu agir et sauver la vie de trois enfants, mais ont choisi de ne pas le faire. Espérons que les autorités ne fermeront plus les yeux sur des cas de violence domestique.

« Les autorités américaines à tous les niveaux doivent prendre en compte les conclusions de la Commission, afin de faire en sorte que les femmes et les jeunes filles qui subissent des violences au sein de leur famille soient dûment protégées et qu'elles reçoivent aide et réparation. »

La voie du changement

Caroline Bettinger-López, l'une des avocates de Jessica Lenahan, s'est déclarée modérément optimiste quant aux possibles répercussions de la décision rendue par la Commission.

Au cours des prochains mois, elle rencontrera avec Jessica Lenahan des représentants du gouvernement américain pour débattre des mesures à prendre afin de mieux protéger les femmes et les filles victimes de violence domestique.

« J'espère que des portes s'ouvriront dans le sillage de cette décision », a déclaré Caroline Bettinger-López.

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